Les Syndicats des métiers de la construction du Canada Département des métiers de la construction, FAT-CIO (DMC), bureau du Canada Proposition d’un crédit d’impôt favorisant la mobilité des travailleurs de la construction – budget 2012 Comité permanent des finances de la Chambre des communes Le 11 août 2011 Le 11 août 2011 Comité permanent des finances Objet : Budget 2012 Aux soins de Guyanne L. Desforges, greffière, Comité permanent des finances Nous présentons ce mémoire au Comité qui pourra l’étudier à loisir au cours de la réunion portant sur le budget 2012. Salutations distinguées Robert R. Blakely
Proposition Dans notre mémoire au Comité permanent des finances – budget 2012, nous proposons de créer un crédit d’impôt favorisant la mobilité de la main‑d’œuvre, crédit qui améliorerait la situation de l’industrie de la construction qui est aux prises avec deux importants problèmes de ressources humaines : d’une part, les pénuries de travailleurs et les problèmes de répartition du travail et, d’autre part, les obstacles à la mobilité de la main‑d’œuvre. Dans cette section, nous décrivons ces deux problèmes, expliquons en détail notre solution, expliquons pourquoi il est temps de mettre notre proposition en œuvre et dressons la liste non exhaustive des avantages économiques, à court et à long termes, que le gouvernement du Canada retirera de ce crédit d’impôt. Aperçu de l’industrie de la construction au Canada Plus d’un million de Canadiens exercent des métiers ou des professions dans le domaine de la construction. Bon an mal an, les travailleurs de la construction installent, réparent et rénovent des infrastructures d’une valeur de plus de 150 milliards de dollars. Les investissements dans la construction représentent 12 % du produit intérieur brut du Canada. La construction fait vivre plus de 260 000 entreprises. La vaste majorité des entreprises de construction (90 % des entreprises de construction résidentielle et 70 % des entreprises de construction non résidentielle) emploient moins de six personnes. D’ici 2019, l’industrie de la construction aura besoin de 320 000 travailleurs supplémentaires pour ne pas ralentir ses activités et répondre à la demande. Le coût moyen de la mobilité de la main-d’œuvre s’élève à environ 3 500 $ par travailleur. Un crédit d’impôt favorisant la mobilité des travailleurs pourrait fournir au gouvernement du Canada un rendement de près de 5:1 sur le capital investi. PROBLÈME NO 1 : PÉNURIES DE MAIN-D’ŒUVRE ET RÉPARTITION DU TRAVAIL Selon la version de 2011 de Construire l’avenir , rapport du Conseil sectoriel de la construction (CSC), les employeurs du secteur de la construction devront – pour remplacer les travailleurs à la retraite et maintenir la productivité – embaucher plus de 320 000 travailleurs supplémentaires d’ici 2019.[i] Parmi ces derniers, 157 000 devront être recrutés de sources inhabituelles (les Autochtones et les néo-Canadiens, par exemple), tandis que les 163 000 restants seront soit de nouveaux actifs soit des travailleurs venant d’autres régions du Canada.[ii] On en déduit sans peine que le pays souffrira de graves pénuries de main‑d’œuvre au cours de la prochaine décennie. Pis encore, la demande de travailleurs de la construction variera grandement d’une province à l’autre au cours de la période visée. En effet, certaines régions – comme la province de Terre‑Neuve‑et‑Labrador – feront, selon toute probabilité, face à des pénuries importantes de travailleurs entre 2011 et 2014. Par contre, d’autres régions, comme l’Ontario, offriront moins de débouchés à court et à moyen termes, mais en offriront bien davantage de 2015 à 2019. Un troisième groupe (entre autres, le Québec, la Nouvelle‑Écosse et l’Alberta) offrira un grand nombre de débouchés sur une longue période.[iii] La construction est une activité transitoire. Les emplois ne durent que quelques mois et les travailleurs ne s’attendent pas à continuellement trimballer leur famille d’une ville à l’autre. Par conséquent, cette industrie résout partiellement ses problèmes de pénurie en encourageant les travailleurs à déménager ailleurs au pays mais seulement pour quelque temps. Dans son rapport, le CSC a pour hypothèse que la construction peut recruter travailleurs des autres provinces si « la mobilité interprovinciale est maximisée pour tirer parti de l’ensemble de la main‑d’œuvre nationale ».[iv] Malheureusement, la main‑d’œuvre est loin d’être si mobile. PROBLÈME NO 2 : OBSTACLES À LA MOBILITÉ DE LA MAIN‑D’ŒUVRE La plupart des travailleurs de la construction sont plutôt mobiles. Beaucoup d’entre eux ont leur famille ou leur maison dans une certaine ville du Canada mais travaillent souvent ailleurs au pays. Dans l’étude Le travailleur mobile : Une étude sur la mobilité de la main‑d’œuvre dans le secteur de la construction industrielle du Canada , le CSC a démontré que presque 70 % des travailleurs sondés (plus de 1 200) étaient allés, à un moment ou à un autre, dans une autre ville canadienne pour trouver un emploi. La majorité ont déclaré être prêts à déménager pour des raisons financières ou s’ils n’avaient pas le choix sur le plan professionnel. Les répondants ont indiqué que les frais de déménagement constituaient pour eux le second obstacle en importance à leur mobilité.[v] D’après les chiffres du Département des métiers de la construction de la FAT‑CIO, le travailleur mobile moyen consacre environ 3 500 $ de son propre budget aux déménagements temporaires.[vi] Étant donné que l’employeur lui rembourse rarement ces frais, ils rendent la mobilité beaucoup moins attrayante aux yeux du travailleur. LA SOLUTION La meilleure solution aux problèmes de pénuries de la main-d’œuvre et de répartition du travail, c’est un crédit d’impôt favorisant la mobilité. Ce crédit permettrait au travailleur mobile de déduire ses frais professionnels – déplacement, repas, logement – une fois soustraits les sommes déjà remboursées par l’employeur à ces fins. Ce crédit éliminerait l’un des principaux obstacles à la mobilité et permettrait aux travailleurs de passer plus facilement d’une région à l’autre, selon la demande. Nous proposons donc au gouvernement du Canada d’essayer jusqu’en 2015 un crédit d’impôt favorisant la mobilité de la main-d’œuvre, semblable au crédit qu’un simple député avait suggéré de créer en proposant le projet de loi C‑201. Selon les données du rapport Construire l’avenir du CSC, l’admissibilité à ce crédit devrait être accordée en priorité aux métiers et aux régions où la pénurie de main‑d’œuvre se fait le plus cruellement sentir. Aux fins du présent rapport, nous recommandons que les régions et les métiers souffrant de pénurie à qui le CSC a décerné la note de 4/5 ou de 5/5 soient considérés comme des régions ou métiers prioritaires.
L’OCCASION À SAISIR Le gouvernement du Canada a fait preuve de beaucoup de leadership pendant la crise économique. Par une série de mesures destinées à stimuler la concurrence et à rationnaliser la législation, vous avez renforcé l’industrie de la construction et les petites entreprises qui emploient des ouvriers au moment où cette industrie en avait le plus besoin. Qui plus est, vous avez fait la preuve de votre engagement indéfectible envers les travailleurs de cette industrie, soit les membres du Département des métiers de la construction de la FAT‑CIO. Il faut poursuivre sur cette lancée. Le gouvernement du Canada doit adapter la Loi de l’impôt sur le revenu aux modalités de travail particulières du secteur de la construction et créer un crédit d’impôt destiné aux travailleurs qui sont disposés à faire des sacrifices pour combler les graves pénuries qui sévissent dans cette industrie et à demander à leur famille de faire le même genre de sacrifices. LES AVANTAGES Notre proposition de crédit d’impôt serait très profitable au gouvernement du Canada. Nous espérons que le projet pilote de 3 ou 4 ans présenté dans le budget 2012 et visant à tester cette initiative comportera de nombreux avantages pour les travailleurs, les employeurs et le gouvernement. Les travailleurs profiteront de la réduction des frais de déménagement temporaire et des jours de chômage. L’employeur aura accès à des bassins plus importants de travailleurs qualifiés et verra baisser ses frais de participation à des programmes comme le Programme des travailleurs étrangers temporaires. En échange de modestes pertes de recettes fiscales à court terme, le gouvernement du Canada jouira d’une hausse de ses recettes fiscales à long terme et sera moins dépendant de programmes sociaux coûteux. Les données du scénario suivant expliquent en détail comment ce crédit d’impôt fournira au gouvernement un rendement de presque 5:1 sur le capital investi. >
Outils servant à mesurer la conformité et le succès Si l’on veut que ce crédit réussisse à encourager les travailleurs de la construction à chercher du travail dans les autres provinces, il faut suivre de près sa mise en œuvre. Le Département des métiers de la construction de la FAT-CIO propose une série d’outils servant à évaluer le succès quantitatif du projet pilote (sa conformité) et son succès qualitatif (sa réussite proprement dite). MESURES QUANTITATIVES DU SUCCÈS
MESURES QUALITATIVES DU SUCCÈS
Fondement législatif Ce n’est pas la première fois qu’on propose au gouvernement un crédit d’impôt favorisant la mobilité de la main‑d’œuvre. En effet, au début de 2006, Chris Charlton, députée de Hamilton Mountain, a présenté le projet de loi C-227 (qui, par la suite, a été présenté à nouveau sous le nom de projet de loi C‑201). C'est sur ces projets que se fonde notre mémoire. En avril 2008, le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées a recommandé les deux mesures suivantes au gouvernement fédéral:
Nous sommes déçus de constater que le gouvernement a rejeté ces deux projets de loi. Même si son projet de loi a été reçu en première lecture à la Chambre des communes, la députée de Hamilton Mountain a consenti à le retirer par la suite pour permettre au gouvernement de créer son propre projet et « départisaner » ainsi la question. Conclusion Le gouvernement du Canada a toujours fait preuve d’un grand leadership et d’une grande clairvoyance pour ce qui est du soutien de l’industrie et de toute l’économie en temps de crise. Encore et encore, ce gouvernement est venu en aide aux petites entreprises et aux compagnies de construction, en stimulant la croissance, en encourageant l’innovation et en réduisant le fardeau administratif. En ce début de milieu de décennie, la construction fait face à une nouvelle crise. Les graves pénuries dont elle souffre manquent de mettre à bas le beau travail qu’a accompli le gouvernement par ses plans de stimulation économique. Si, au cours de la décennie, les compagnies de construction canadiennes n’arrivent pas à recruter des dizaines de milliers de travailleurs supplémentaires chaque année, les entreprises qui ont littéralement bâti ce pays ne pourront plus le faire et la productivité de tout le Canada en souffrira. Il existe toutefois une solution permettant de combler en partie les pénuries régionales de main‑d’œuvre affectant tout le secteur. En effet, en mettant sur pied un programme de crédits d’impôt permettant aux travailleurs de la construction mobiles de déduire leurs frais de déménagement de leur impôt sur le revenu, le gouvernement peut les encourager à combler les pénuries de main‑d’œuvre régionales tout en aidant le secteur de la construction qui, après tout, constitue la principale industrie privée au Canada. Ce faisant, le gouvernement ne fait pas qu’aider cette industrie en une période de crise; il peut ainsi prélever des recettes fiscales supplémentaires et réduire la dépendance des travailleurs et des employeurs envers des programmes coûteux comme l’AE ou le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Le crédit d’impôt favorisant la mobilité profite largement aux travailleurs, aux employeurs et au gouvernement. Les Syndicats des métiers de la construction du Canada exhortent le gouvernement fédéral actuel à établir cette mesure dans son budget 2012. Hypothèses posées dans les scénarios financiers ci-joints : – Dans une région donnée, 10 % des travailleurs de la construction se rendent à plus de 80 km de leur domicile principal pour trouver un emploi, et ce, pendant six semaines de l’année. – 3 500 $ est la somme annuelle moyenne que dépense un ouvrier qualifié pour trouver un emploi, ces frais n’étant pas remboursés par l’employeur. (1 trajet en avion à 1 000 km, 4 trajets en voiture à 300 km=1 200 km à 0,51 $/km = 612 $, 10 nuits à l’hôtel à 88 $/nuit = 880 $) – La propension à travailler pendant ces six semaines est plus grande que la propension à demander des prestations d’AE. – Toute économie d’impôts réalisée dans le cadre du projet pilote prendrait la forme d’un crédit d’impôt s’élevant à 15 % des frais admissibles. – Les données sur l’emploi provincial par secteur d’activités proviennent de Statistique Canada et du Conseil sectoriel de la construction. Bibliographie [i] Construire l'avenir, Évaluation du marché du travail de la construction en Ontario de 2011 à 2019 . Conseil sectoriel de la construction. p. 15. [ii] Ibidem [iii] Construire l'avenir, pp. 21-22. [iv] Construire l'avenir, p. 15-16. [v] Le travailleur mobile : Une étude sur la mobilité de la main‑d’œuvre dans le secteur de la construction industrielle du Canada. Conseil sectoriel de la construction. 2007. pp. 7‑8. [v] Pour une description détaillée de ces coûts, se référer à la section des principales hypothèses posées, qui se trouve à l’annexe du présent mémoire. [vii] Construire l'avenir, p. 18. [viii] Employabilité au Canada: Préparer l’avenir. Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées . http://www.parl.gc.ca/CommitteeBusiness/StudyActivityHome.aspx?Cmte=HUMA&Mode=1&Parl=39&Ses=2&Stac=2219738&Language=F En date du 4 août 2011 |